Dans la revue « Immersion », le Japon à fond les manettes


La revue des revues. On entre dans ce nouveau numéro de la revue Immersion, consacré aux modes d’apparition de la jeunesse japonaise dans les jeux vidéo, comme dans un lycée nippon. C’est en tout cas ce que propose son sommaire : à l’entrée, le tableau d’affichage commence par présenter les bons élèves – des portraits de personnalités du monde du jeu vidéo japonais, comme Junko Kawano, conceptrice ayant participé à la réalisation de la série Suikoden – et les dernières acquisitions de la bibliothèque – des critiques d’ouvrages consacrés au médium.

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Mais c’est en avançant dans la revue comme on le ferait dans les couloirs d’une école que l’on nous apprend ce que le J-RPG – un sigle issu de l’anglais role playing game (RPG), qui signifie donc « jeu vidéo de rôle japonais » – dit du Japon et du regard que nous, Occidentaux, posons sur lui. Premier cours : « Un monde sans adultes », un article qui décortique la façon dont des jeux comme Xenoblade Chronicles 3 (2022) ou Persona 5 (2016) tentent d’offrir des modèles d’émancipation à une jeunesse japonaise fataliste et conformiste.

Modernité et renouveau

Dans la salle de classe suivante, la mécanique des J-RPG est démontée pour mieux révéler tout ce qu’elle emprunte au système éducatif japonais. Dans les deux, la compétitivité est permanente, l’évaluation est omniprésente, l’élève comme le joueur doivent surveiller constamment leurs scores et leurs statistiques, et les « boss » rythment le temps de jeu comme les examens rythment le temps scolaire. Et si le J-RPG peut parfois constituer une interrogation sur la société japonaise, et sur l’institution scolaire en particulier, il remet rarement en question son propre fonctionnement… pourtant calqué sur l’une et sur l’autre.

Vient ensuite un entretien avec l’anthropologue Agnès Giard, qui déconstruit les a priori occidentaux sur les lolitas japonaises et tente d’expliquer l’incroyable succès de ces héroïnes immatures sur l’Archipel. Elle y rappelle non seulement que l’esthétique kawaï (« mignonne »), loin d’être inoffensive, est liée aux mouvements historiques d’émancipation des femmes japonaises, mais que, dans un pays où les hommes ont perdu la guerre et du même coup leur légitimité de héros, les héroïnes insouciantes sont de puissants symboles de modernité, de rupture et de renouveau.

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Si sa maquette est soignée, ses illustrations léchées, Immersion est plus qu’un bel objet. Avec cette nouvelle formule éditoriale étoffée, rendue possible par un financement participatif, la revue continue à expliquer aux passionnés comme aux lecteurs à qui il faudrait encore le prouver que le dixième art a, depuis longtemps, atteint l’âge de raisonner.

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